Hugo Ansel




Opening 22.03.2024 from 6pm. The show will be open by appointment the weekend until the 07.04.2024.

♥hosted by Profil, 11 rue des Arquebusiers 75003 Paris♥




Ni pour les lovers ni pour les curators...

Connaissez-vous l’histoire d’Écoline, la petite chienne qui, pour ne pas garder les moutons, décide de monter à la capitale pour devenir peintre et vivre de son art ? Dans les rues du Paris bohème, tandis que se prépare l’Exposition Universelle, Écoline va devoir faire face à bien des obstacles pour réaliser son rêve...
Alors que je lui racontais, un soir de vernissage, le synopsis de ce livre pour enfant que je venais d’offrir à une petite fille, Hugo Ansel proclama qu’il était Écoline, la petite chienne qui monte à Paris pour devenir peintre. « C’est l’histoire de ma vie », dit-il pince-sans-rire, ajoutant que nous tenions enfin le pitch du communiqué de presse que je devais rédiger pour cette exposition... Je me souviens qu’on avait bien rigolé de sa blague pourrie ; pourtant, jamais je n’aurais osé imaginer à ce moment le prendre au pied de la lettre. Mais après tout, pourquoi pas ? Finalement, que sais-je d’Hugo Ansel ? Pas grand-chose, à part qu’il fait partie de ces taciturnes qui manient l’humour et l’ironie pour esquiver les intrusions trop personnelles. Je sais également, parmi quelques autres choses, qu’Hugo a fait des études à l’école d’arts de Cergy, qu’il est peintre, qu’il a commencé en 2013 une série – toujours en cours – de dessins au stylo bille sur du papier quadrillé de bloc-notes, qu’il a refusé que ces dessins soit publiés, qu’il a une sœur, qu’il a grandi en banlieue, qu’il a exposé des tableaux en 2021 à Bagnoler, qu’il a commencé un cursus à l’EHESS, qu’il fait des recherches sur Emily Dickinson, qu’on l’aperçoit fréquemment en soirée un sac plastique rempli de bières à la main... Disons- le sans ambages, qu’il s’agisse de sa vie personnelle ou de sa pratique artistique, il est très compliqué de tirer les vers du nez d’Hugo. En tout cas, rares sont celles ou ceux qui savent le faire. Il faut se rendre à l’évidence, nous ne pourrons pas compter sur des anecdotes personnelles pour éclairer sa pratique. Pauvre Sainte-Beuve, tu te serais arraché les cheveux. Hugo résiste au biographisme et masque ses intentions par des jeux de transparence sémiotique en utilisant dans ses œuvres comme dans sa vie des procédés rhétoriques de mise à distance : l’humour, l’évidence, les lieux communs, les stéréotypes, le silence... S’il fallait qualifier la position stratégique d’Hugo, disons qu’il fait partie de ces personnes qui préfèrent la désidentification à une attitude trop située (oui, vous avez reconnu, il s’agit bien d’une référence à Muñoz). Pourquoi, dès lors, ne pas utiliser la banalité de la mythologie de l’artiste qui monte à Paris (on en revient à Écoline) pour combler les trous : c’est drôle ! Et puis, ça rappelle ce qui se trame dans ses dessins. Des dessins bizarres, un peu vides, rapidement griffonnés, grotesques mais sans intention précise – rappelant parfois les Calligraphies d’humeur que Jean- Michel Sanejouand exécute à l’encre de chine entre 1968 et 1978 (cette série lui vaudra l’anathème de la doxa minimaliste et conceptuelle de l’époque).
C’est vrai que j’ai mis bien longtemps à tirer les vers du nez d’Hugo, et bien souvent il m’a fallu quelques adjuvants, l’alcool et quelques fréquentations aidant. Je ne sais plus trop quand on a commencé à se fréquenter, mais j’éprouvais une sorte de fierté à avoir percé le mystère Hugo Ansel, parce qu’il préfère encore se taire et écouter, observer même, plutôt que de raconter des sottises – ce qui, à notre époque fait un bien fou. Souvent, on se retrouve après un sempiternel « tfq » (en sautant même le point d’interrogation, on se comprend c’est comme ça). Nous voici une heure après à arpenter les terrasses ou les vernissages les plus guindés de la capitale parisienne, après qu’Hugo soit passé à l’épicerie acheter 8 clopes à l’unité car, au grand jamais, il n’achètera un paquet neuf (encore une de ses lubies, va savoir). Je lui en taxe allègrement, et nous voici partis pour la nuit. Souvent je parle un peu toute seule, et je fais rire Hugo, je lui raconte mes histoires les plus intimes, sans même chercher de validation, mais en espérant qu’il me glissera bientôt une bribe des siennes. Mais finalement, rien ne paraît, avec lui, il faut se conformer à un minimalisme assez désarmant, comme sa collection de jeans semblables mais bien différents. Je me souviens de cette fois où un artiste étranger voulait nous rencontrer un ami et moi. J’ai invité Hugo, en me disant que ça pouvait matcher. Mais le voilà plongé le nez dans sa bière à murmurer des bribes de phrases en me jetant un regard inquisiteur. L’artiste montra son site internet avec ses dernières peintures à Hugo qui se contenta d’un hochement de tête. J’étais hilare, quoique gênée pour ce pauvre artiste souhaitant nouer des liens avec un semblable. La question fut retournée, quel était donc le travail d’Hugo Ansel ? Celui-ci me lança un regard quasi affolé, s’en retournant vers moi pour l’épauler dans cette trop intrusive question, comme pour le tirer d’un mauvais pas. Je lui dis « Allez mon bon Hugo, c’est ton tour de shine », sur quoi il répondit à la question fatidique « What are you doing ? » : « Paintings ». C’était tout, et voilà c’est peut-être en fait tout quand on veut parler de son travail, ce sont des peintures et pas une bribe de salive ne sera gaspillée en plus. Je lui disais, mais alors si tu ne veux pas parler montre lui ! Et il me répondait que son Instagram n’était ni bon pour ses lovers ni bon pour les curators. A quoi bon, alors cet Instagram s’il n’est ni bon pour draguer ni bon pour de nouveaux projets. Peut-être bon à ce que ses ami.e.s trop émêché.e.s y laissent des likes et des commentaires en bout de soirée, comme nous l’avons fait avec un Matthieu en roue libre. Les likes pleuvaient, et la dernière photo géniale d’un Hugo à bob, jemenfoutiste au possible, nous faisait y déclamer tout notre amour.

Daphné Praud-Bodéré et Gallien Déjean

1 Écoline, par Stephen Desberg et Teresa Martinez. Bamboo, coll. Grand Angle, 72 p., 16,90 €. Dès 9 ans.




















Sans titre, 2016, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2013, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2016, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2015, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2016, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2016, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2016, Ink on paper 80gr, 27,8 x 21 cm



Sans titre, 2016, Encre sur papier 80gr, 27,8 x 21 cm